Portrait de Fortuna Brulez, ca. 1919

Parmi les nombreux artistes et intellectuels qui se sont réfugiés aux Pays-Bas pendant la Première Guerre mondiale, on trouve le philosophe et professeur Lucien Brulez et son épouse roumaine. Les réfugiés avaient des contacts réguliers entre eux et la Fortuna Brulez-Mavromati, aux yeux noirs, a inspiré à Van den Berghe l'un de ses portraits les plus expressionnistes. L'artiste a réalisé deux variantes qui précèdent le portrait final. Il a également réalisé une linogravure d'après l'un des portraits. Chaque variante possède une qualité indépendante, mais chaque œuvre ultérieure évolue vers une structure plus solide et un plus grand dynamisme. Répéter le même sujet jusqu'à l'obtention de l'expression souhaitée est une méthode de travail que Van den Berghe utilisait souvent. La version du Musée des Beaux-Arts de Gand est la première des deux variantes "préparatoires" et présente encore clairement le caractère d'une étude inachevée, bien que la figure elle-même soit presque entièrement élaborée dans des couches de peinture fortement appliquées. L'utilisation fauviste de la couleur et le maquillage expressif du visage remontent à l'expressionniste russe Alexej von Jawlensky, tandis que les portraits féminins de Kees van Dongen et Jan Sluijters l'ont certainement aussi influencé. Comme les portraits de Jawlensky, celui-ci transcende la simple représentation d'un individu particulier. Il devient une icône de la femme inaccessible, insondable. C'est le début d'un thème récurrent dans lequel la relation problématique homme-femme prend forme. Van den Berghe n'exprime plus ses problèmes essentiels dans des portraits, mais dans des scènes où les femmes sont représentées nues et souvent sans tête, parfois avec humour et une légère autodérision, mais progressivement avec une amertume qui ne cache pas sa désillusion de l'humanité.