« Le Fils prodigue de Meunier sera toujours important pour… | MSK Gent
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« Le Fils prodigue de Meunier sera toujours important pour moi. » Interview de CHVE.

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Set acoustique Amenra à la salle Lambeaux © Martin Corlazzoli

En ce début d’année, nous avons fait appel au musicien Colin H. Van Eeckhout (CHVE) pour quelques soirées exceptionnelles au musée. Au Late Donderdag de janvier (nocturne le dernier jeudi de janvier), il a présenté avec Amenra un set acoustique dans la salle Lambeaux. Et en mars, il a partagé la scène avec le luthiste Jozef van Wissem, pour un concert dans l’exposition Rombouts. Mais dans quelle mesure s’intéresse-t-il au MSK et à l’art en général ? Interview dans les couloirs du musée.

Pour le 20e anniversaire d’Amenra, vous avez fait des photos dans les salles du MSK. Y a-t-il des œuvres précises qui vous interpellent ?

Le MSK est pour moi un havre d’inspiration. Il m’apporte une sorte de calme artistique, qui me fait me sentir insignifiant, mais d’une manière positive, comme un grain de sable dans l’immensité du désert. On y ressent une sorte de reconnaissance, comme si on visitait un univers insaisissable mais reconnaissable.

La sculpture Le Fils prodigue de Constantin Meunier sera toujours importante pour moi. Selon l’angle sous lequel on l’observe, elle raconte une histoire différente. Je trouve ça terriblement intrigant, la façon dont le formalisme d’une sculpture peut amener de la vie dans l’œuvre. Une sculpture, on peut aussi pour ainsi dire l’enlacer, la toucher. Le concert d’Amenra dans la salle Lambeaux a représenté la conjonction de beaucoup de choses pour moi. Depuis ma chaise, je pouvais voir la sculpture de Meunier dans l’embrasure de la porte. À cet endroit-là, à ce moment-là, nous avons été réunis. Nous avons raconté ensemble notre histoire individuelle.

Le chagrin, la souffrance, la mort… sont des thèmes qui sont invariablement présents dans votre musique, mais aussi dans l’art. Allez-vous chercher votre inspiration dans l’art ?

À coup sûr, mais j’essaie d’être prudent avec lui. Je n’ai pas bénéficié d’une formation artistique et je n’ai guère de connaissances des « arts » en soi. C’est pourtant devenu le monde dans lequel j’évolue. C’est précisément cela que je trouve intéressant, et parfois aussi intimidant. On apprend surtout à fonctionner avec son cœur et son âme. On travaille essentiellement avec l’émotion et, pour cela, on n’a pas nécessairement besoin de « connaissances ». Ou peut-être uniquement d’une connaissance ou d’une vision de soi-même, de sa propre histoire spécifique en tant que personne créative.

Lorsque, avec Amenra, nous allons chercher l’inspiration dans la peinture, nous essayons de plier celle-ci à notre monde d’aujourd’hui. Nous nous efforçons de trouver cette universalité et cette intemporalité.

La lumière, par exemple, est absolument déterminante en peinture, tout comme dans notre photographie. Nous partons des ombres et tendons ainsi vers la lumière. Mais surtout, nous essayons d’analyser le quotidien et de l’interpréter à notre manière dans notre musique et notre univers visuel.

Vous avez donné un concert dans l’exposition Theodoor Rombouts où vous jouiez de la vielle. Les instruments à cordes anciens vous fascinent ?

En fait pas du tout. Je trouve la musique médiévale ou folk souvent rébarbative, du moins les rares morceaux que j’ai eu l’occasion d’entendre. Jusqu’à présent, cette musique ne me touchait pas. Mais lorsque j’ai entendu pour la première fois une vielle, cela m’a fait quelque chose, surtout à cause du potentiel que j’ai entendu dans les sons. Au départ, j’ai acheté une vielle avec Lennart, le guitariste d’Amenra, pour en faire quelque chose avec le groupe, mais elle s’est mise à mener sa propre vie.

Étiez-vous au courant de la place importante que les instruments de musique occupent dans l’œuvre de Rombouts ?

Je n’en savais rien, mais c’était chouette de découvrir qu’il éprouvait en effet une sorte de fascination pour cet univers et qu’il a effectivement représenté des musiciens. Je trouve passionnant qu’à l’époque, on ait eu une autre manière d’écrire la musique, puisqu’on n’utilisait pas les portées classiques. Aujourd’hui, nous ne pouvons que conjecturer sur la façon dont ces morceaux de musique devaient sonner. Il n’existe pas d’enregistrements. Quelque part, on perçoit un attachement à travers les siècles à ces musiciens qui figurent dans les œuvres de Rombouts.


J’ai lu dans une interview que vous aimiez le silence avant un concert ou avant un évènement important. Un musée est ce genre d’environnement apaisé qui vous attire ?

Absolument, c’est d’ailleurs pour cela que je recherche le silence. Juste avant un concert, par exemple, je suis déjà présent sur scène, pour m’asseoir un instant, pour « attendre » … J’aime l’apaisement qui vient alors, maîtriser l’inconfort tant chez moi que dans le public, contrôler mes nerfs, puis partir dans le son.

Le musée est traversé d’une énergie qui n’est pas comparable avec celle d’autres lieux. Ce qui s’en rapproche le plus, c’est l’église, qui commande un certain respect au visiteur. Une déférence due aux œuvres d’art. Pour un musicien, c’est extrêmement gratifiant de pouvoir raconter son histoire à sa manière entouré de ces œuvres.

Voyez-vous aussi le musée comme un lieu propice à d’autres formes d’expérience de l’art (moderne ou classique) ou de création ?

Tout est de toute façon lié à tout et se nourrit de tout à l’infini. Je pense qu’il est surtout important de saisir les occasions de faire venir les gens au musée. Les arts sont à l’évidence plus que la somme de leurs parties. En associant différentes disciplines, en associant art ancien et art contemporain, on encourage les nouvelles créations.